Quel est le lien entre la phytogénétique, la sécurité alimentaire, l’avenir de l’agriculture canadienne et vous?

Le Dr Tim Sharbel, professeur à l’Université de la Saskatchewan et conseiller du Comité consultatif sur la science et l’innovation de Bioenterprise, parle d’une technologie innovante des semences, offre des idées aux jeunes et donne des conseils aux entrepreneurs du domaine agrotechnologique.

Posted: Juil 19, 2023

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Le Dr Tim Sharbel, professeur à l’Université de la Saskatchewan et conseiller du Comité consultatif sur la science et l’innovation de Bioenterprise, parle d’une technologie innovante des semences, offre des idées aux jeunes et donne des conseils aux entrepreneurs du domaine agrotechnologique.

Par Tabitha Caswell pour Bioenterprise

Le professeur Tim Sharbel, qui enseigne au Département des sciences végétales de l’Université de la Saskatchewan [en anglais seulement] est un éminent expert en biologie des semences. Ses domaines de recherche comprennent l’apomixie (formation asexuée de graines), les plantes médicinales, la génomique évolutive et la reproduction des végétaux. Il a été titulaire de la chaire de recherche en biologie des semences du Global Institute for Food Security (2015-2020) et siège actuellement au Comité consultatif sur la science et l’innovation de Bioenterprise.

Les activités universitaires et les recherches de M. Sharbel l’ont amené à voyager pendant 30 ans autour du monde. Après des débuts modestes comme « technicien dans un laboratoire de grenouilles », il regarde son parcours avec gratitude et fierté et attribue son succès à une série de coïncidences.

De l’école professionnelle au doctorat
M. Sharbel s’est inscrit à une école de formation professionnelle sans avoir d’objectif à long terme. Ses parents n’étaient pas des universitaires, et il n’envisageait pas ce genre d’avenir pour lui-même. Il était, de son propre aveu, un étudiant moyen doté d’une personnalité grégaire, et n’avait aucune intention de devenir scientifique. Mais le destin est intervenu lorsqu’il a atterri au laboratoire Green [en anglais seulement] de l’Université McGill – le « laboratoire de grenouilles ».

À l’époque, M. Sharbel ignorait que l’étude des amphibiens n’était que le début de son histoire. Sa curiosité innée pour la nature lui a donné envie d’apprendre, tandis que son désir d’aider les autres a apporté de la valeur à son équipe et renforcé sa confiance en lui. Grâce à un travail acharné et à un état d’esprit énergique et positif, M. Sharbel a obtenu sa maîtrise en 1995.

Sans transition, M. Sharbel est entré au Max Planck Institute [en anglais et en allemand seulement] en Allemagne. Il raconte que ce fut une expérience « merveilleuse » et que ces instituts formidables sont « un véritable paradis pour les scientifiques ».

Très heureux d’avoir emprunté cette voie, M. Sharbel a suivi les signes qui jalonnaient son chemin. Il a rencontré les bons mentors au bon moment, a fait son doctorat en biologie à l’Université Ludwig Maximilian [en anglais et en allemand seulement ], puis il a vite découvert l’apomixie, c’est-à-dire la formation asexuée de graines chez les plantes. Ce fut pour lui une révélation. M. Sharbel venait tout à coup de comprendre l’importance de son travail. Il se rappelle s’être dit : « L’apomixie, mais qu’est-ce que c’est? L’humanité a besoin de ça! ».

« J’ai commencé à appliquer ma pensée évolutionniste sur les origines du sexe à une technologie susceptible de révolutionner la façon dont nous sélectionnons les plantes », dit M. Sharbel avec enthousiasme. Ses travaux ont attiré l’attention et, en 2015, il a obtenu une subvention de 10 millions de dollars qui a permis à son groupe de recherche de quitter l’Allemagne pour s’installer en Saskatchewan.

Sexe et biodiversité des aliments
L’équipe de M. Sharbel au laboratoire Sharbel [en anglais seulement] de l’Université de la Saskatchewan a la capacité d’améliorer de beaucoup la production alimentaire. Appliquée correctement, l’apomixie raccourcira considérablement le délai d’exécution de certaines tâches liées aux grandes cultures. De fait, d’importants progrès réalisés l’année dernière avec la laitue et le riz asiatique montrent que l’apomixie trouvera sa place en production agricole.

Notamment, l’apomixie permettrait aux sélectionneurs de végétaux de « figer » immédiatement certains hétérozygotes complexes (génétiquement et structurellement) qui présentent des combinaisons de caractères phénotypiques souhaitables et importants. Des délais de sélection plus courts et un nombre accru de variétés commerciales seraient deux des nombreux effets de cette technologie sur l’agriculture.

Les avantages ne s’arrêtent pas là. « Le plus important, à mes yeux, c’est la biodiversité », dit M. Sharbel. « L’un des problèmes auxquels l’humanité est confrontée est la diversification de notre alimentation. » Une alimentation diversifiée est une alimentation plus saine. M. Sharbel estime que cette recherche pourrait contribuer à résoudre ce problème, car elle nous donnerait « la possibilité d’induire l’apomixie chez certaines espèces par ailleurs intéressantes et importantes ».

M. Sharbel explique que nous pouvons diversifier et améliorer les cultivars actuels en croisant les cultures avec les espèces sauvages qui leur sont apparentées, et que d’importants efforts de séquençage génomique sont en cours à l’échelle mondiale pour séquencer le génome des principaux groupes de cultures. Ces travaux visent à tester et à valider de nouvelles cultures diversifiées en vue d’une croissance commerciale. Une fois approuvées, ces cultures pourront être introduites sur le marché, offrant ainsi un plus grand choix d’aliments sains aux populations du monde entier qui n’y ont pas accès actuellement.

Établir une empreinte génétique pour l’avenir
Des termes comme amélioration génétique des plantes et séquençage génomique peuvent effrayer certaines personnes. Le discours entourant la modification génétique peut susciter méfiance et scepticisme, et l’opposition aux OGM est un thème fréquent aujourd’hui.

M. Sharbel comprend cette réticence. « Il est important que les gens y réfléchissent. Mais ils doivent aussi garder à l’esprit qu’il y a une différence entre “ce qui se passe au laboratoire et ce qui se fait sur le terrain pour les consommateurs”. Nous n’essayons pas de créer Frankenstein. » Le chercheur explique que le séquençage génomique et d’autres technologies apparentées nous permettent d’observer passivement la variation génétique, de poser de nouvelles questions et de réfléchir à des moyens de tirer parti de ces découvertes.

« Notre capacité à séquencer l’ADN est maintenant phénoménale », dit M. Sharbel. Il donne un exemple pour mettre les choses en contexte. Aujourd’hui, si un fléau comme la maladie de la pomme de terre qui déclencha la Grande Famine en Irlande menaçait une importante culture vivrière plusieurs années consécutives, nous pourrions réagir. Nous pourrions utiliser ces technologies pour modifier rapidement la trajectoire et le résultat et ainsi éviter la famine et ses conséquences.

En ce qui concerne ses recherches, M. Sharbel affirme que, de son point de vue, « le séquençage de l’ADN vise essentiellement à établir une empreinte génétique ». Il explique que l’objectif est d’effectuer le profilage du plus grand nombre possible de sujets sur le terrain et de réaliser des études comparatives en vue d’applications futures similaires.

Du laboratoire de recherche aux cultures de plein champ
Nous savons que l’apomixie peut renforcer notre position en matière de biodiversité et de sécurité alimentaire. Il s’agit d’une nouvelle passionnante et, de toute évidence, beaucoup sont impatients d’utiliser cette technologie. Mais quand sera-t-elle prête?

« Nos travaux sur le canola vont bon train, dit M. Sharbel. J’espère que d’ici cinq ans, au maximum, nous pourrons établir un phénotype. » Son collègue Martin Mau [en anglais seulement] dirige maintenant ces travaux, et M. Sharbel ne tarit pas d’éloges, non seulement à l’égard de son équipe, mais aussi à l’égard des autres chercheurs qui travaillent dans ce domaine pour atteindre la ligne d’arrivée. Tous ces gens poursuivent un objectif commun : améliorer l’approvisionnement alimentaire mondial.

Outre le canola, les travaux de M. Sharbel sur l’apomixie s’étendent à d’autres domaines et comptent sur des équipes au Canada et en Europe qui étudient des plantes médicinales comme la camomille, le millepertuis et le cannabis. M. Sharbel aime aussi consacrer du temps à son « énorme collection de houblon ». « Le houblon, le cannabis et le chanvre sont étroitement liés; il y a donc là une nouvelle possibilité. »

Une fois que la technologie de l’apomixie passera du laboratoire aux champs, nous verrons progressivement apparaître d’autres possibilités dans les domaines des cultures vivrières et d’autres cultures fonctionnelles.

Éliminer les obstacles
M. Sharbel possède un bagage impressionnant et un vaste réseau de contacts. Son champ d’action s’étend à diverses branches du monde des sciences de la vie. Le plus frappant, toutefois, c’est sa capacité à créer des liens. Il ne demande pas mieux que de diffuser ses connaissances d’une manière collaborative et informelle et tient à faire comprendre aux gens que « les scientifiques ne sont pas tous des snobs ».

« L’agriculture est une industrie incroyablement dynamique. La plupart des gens vont à l’épicerie et n’y pensent pas, mais il y a toute une infrastructure en arrière-plan ». Cela se traduit par une foule de possibilités de croissance.

M. Sharbel croit qu’il y a de la place dans l’industrie pour toutes les personnes qui souhaitent apporter leur contribution. « Il existe une telle diversité de pensée. Nous devons l’exploiter! » Faisant référence à son propre parcours, il explique qu’il y a peut-être des gens qui ont de bonnes idées, mais qui ne se pensent pas assez intelligents pour aller à l’université. « Nous ne pouvons pas nous polariser autant. Tout le monde n’a pas nécessairement un cerveau adapté à ce milieu. Nous avons besoin de rallier plus de personnes pour que ce dialogue ait lieu et pour faire tomber cette barrière. »

M. Sharbel pense aussi que la collaboration est essentielle, et que des organisations comme Bioenterprise sont importantes parce qu’elles facilitent cette collaboration. « Que ça nous plaise ou non, le monde est en pleine transformation. Une plus grande communication est toujours la bienvenue. » Il est nécessaire de satisfaire aux exigences de ce monde en plein changement parce que la plupart des gens ne réalisent pas l’ampleur du travail qui est accompli alors qu’il semble si facile d’acheter des aliments.

Alors, comment peut-on accroître la sensibilisation? « Inévitablement, il est crucial d’en apprendre sur la provenance de nos aliments. Cela ouvre les yeux et nous amène à avoir un plus grand respect pour les aliments que nous consommons. Ça crée un lien avec le monde. »

Enseigner l’histoire des aliments
L’éducation commence par nos jeunes. Le fait de transmettre aux enfants des connaissances sur l’alimentation attise leur intérêt et les aide à comprendre la provenance des aliments. « D’un point de vue évolutif, il est passionnant de pouvoir inculquer cela aux élèves, car il s’agit d’une histoire. C’est une chose magnifique et dynamique qui se produit. », dit le pédagogue.

Chaque fois qu’il en a l’occasion, M. Sharbel interagit volontiers avec les jeunes. « J’adore ça. Les jeunes occupent une place spéciale dans mon cœur. Les enfants d’aujourd’hui ont du mal à gérer le stress, y compris celui lié à l’environnement. »

Des questions comme les changements climatiques et le développement durable peuvent être accablantes, et c’est pourquoi M. Sharbel prône l’optimisme. « Je dis à mes étudiants qu’au lieu d’être découragés par l’avenir, ils devraient participer au changement. Je les invite à s’informer, à faire part de leurs idées. Tout le monde doit apporter sa contribution. »

Si les jeunes s’intéressent à l’agriculture mais ne savent pas par où commencer, il les encourage à « parcourir le monde et à vivre toutes sortes d’expériences » pour acquérir une meilleure compréhension et découvrir leur voie. La découverte d’autres cultures et l’établissement de liens aident à avoir une vue d’ensemble.

La légitimité de la science
M. Sharbel se nourrit de nouvelles expériences, et ses derniers travaux sur le riz sauvage avec les populations des communautés nordiques incarnent cette passion. « Selon le point de vue traditionnel des Autochtones, tout est interrelié. Et j’adore cette idée, car plus on examine les choses de près grâce à la technologie, plus on constate que tout est effectivement lié. » Il explique que les observations scientifiques valident ces liens et en établissent la légitimité.

« Le savoir, c’est le pouvoir », dit M. Sharbel. « Tout le monde a son parcours et veut s’exprimer haut et fort, mais si l’on veut dire quelque chose, il faut s’en remettre à la science. » Il estime que la science et la légitimité sont ce qu’il y a de plus important.

M. Sharbel prévoit que grâce à la formation, à la coopération et à l’établissement de partenariats, nous aurons bientôt « un accès plus équitable aux connaissances autochtones, et ce, grâce à la biotechnologie ».

L’avenir de l’alimentation dans le monde
Qu’il parle de « l’œuvre de sa vie » dans les domaines de l’apomixie et de la biologie évolutive ou qu’il philosophe sur l’avenir de l’alimentation dans le monde, M. Sharbel apporte un point de vue unique. Fort de trois décennies d’expérience en recherche universitaire, il voue aussi un profond respect à l’environnement et à nos ressources naturelles.

Malgré les difficultés, M. Sharbel constate que l’agriculture sait s’adapter. « Elle continuera à progresser, à s’améliorer et à se mécaniser. La science et la technologie faciliteront l’utilisation de variétés plus adaptées aux conditions locales, favorisant ainsi la diversité de nos régimes alimentaires et améliorant les économies. »

« Nous traversons un grand changement. Les gens sont prêts à l’accepter », dit M. Sharbel. Il constate que les humains « respectent les plantes qui proviennent de partout dans le monde et respectent la biodiversité ». Et il prévoit que malgré nos lacunes, « l’homme s’adaptera et l’agriculture poursuivra son chemin ».Conseil de scientifique
Après des débuts modestes, le professeur Sharbel est devenu un expert dans son domaine qui possède une grande sagesse, une expérience et de vastes connaissances à partager.

Son discours sur la science et la vie s’articule autour d’un thème central : les humains sont interreliés – les uns avec les autres, avec la nature et avec notre système alimentaire. Ce système n’est pas parfait, mais si nous faisons preuve de prévoyance et que nous appliquons avec respect les outils scientifiques et technologiques, nous avons de bonnes raisons d’être optimistes.

Que nous soyons des consommateurs, des producteurs, des facilitateurs, des entrepreneurs ou des jeunes pour qui se dessine un avenir incertain, nous avons tous un rôle à jouer dans le système agricole canadien. M. Sharbel s’estime chanceux d’y participer et remercie la vie pour les coïncidences qui l’ont conduit où il est aujourd’hui. Empli de gratitude, il espère que nous saurons mener ce changement ensemble.

L’industrie agricole regorge de possibilités. Pour vous aider à découvrir votre créneau, M. Sharbel conclut avec ces mots simples : « Trouvez ce dans quoi vous excellez, et faites-le. » Discutez les uns avec les autres, n’ayez pas peur de poser des questions et investissez-vous.

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Contact Média:

Jordan Sidsworth, Spécialiste du marketing, Bioenterprise Canada
jordan.sidsworth@bioenterprise.ca 

Au sujet de Bioenterprise Canada

Bioenterprise est le Réseau foodtech et agtech du Canada. À titre d’accélérateur national dédié à la commercialisation des technologies agricoles, Bioenterprise met à profit ses 20 ans d’expérience au service de l’industrie et son réseau international d’experts, de mentors, de bailleurs de fonds, de chercheurs et de partenaires de l’industrie pour aider les petites et moyennes entreprises agroalimentaires à connecter, à innover et à grandir.

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