La recherche réinventée : former les futurs leaders canadiens de l’agrotechnologie

Kimberley Cathline, gestionnaire des programmes de recherche au Horticultural & Environmental Sciences Innovation Centre (HESIC) du Niagara College (NC) et conseillère à Bioenterprise, aborde l’importance de la recherche appliquée et des partenariats entre le milieu universitaire et l’industrie, et donne des conseils aux femmes et aux autres leaders des secteurs de l’agriculture et de l’horticulture.

Posted: Jan 25, 2024

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Kimberley Cathline FR Jan2024

Par Tabitha Caswell pour Bioenterprise

Dans le domaine de la recherche appliquée en agriculture, Kimberley Cathline fait figure de modèle et de leader exemplaire en Amérique du Nord. Au cours des deux dernières décennies, elle s’est attaquée aux stéréotypes, discrètement mais avec force, et est ainsi devenue une source d’inspiration pour d’autres femmes. Dans le milieu universitaire, dans le monde des affaires et dans d’autres domaines, elle a montré que tout le monde a sa place dans cette industrie en constante évolution, grâce à sa réputation de communicatrice et de travailleuse dévouée et acharnée.

Aujourd’hui, Mme Cathline est la gestionnaire des programmes de recherche du Horticultural & Environmental Sciences Innovation Centre (HESIC) du Niagara College (NC) et un membre estimé du Comité consultatif sur la science et l’innovation (CCSI) [les trois sites sont en anglais seulement] de Bioenterprise Canada. Dans les lignes qui suivent, elle raconte son parcours unique, s’exprime sur l’importance de la recherche appliquée en agriculture, nous donne un aperçu de l’évolution et de l’élargissement des programmes au Niagara College, et donne des conseils avisés aux futures chercheuses et à ceux et celles qui exercent des rôles d’influence.

Cultiver une culture axée sur le leadership

Pour Kimberley Cathline, tout a commencé par une fascination juvénile pour les sciences naturelles. Dès l’enfance, sa curiosité innée l’a amenée à explorer les phénomènes du monde végétal, en particulier les merveilles des systèmes cellulaires et la synergie harmonieuse de leur conception complexe.

Encouragée par des mentors dynamiques et poussée par sa passion pour les plantes, Mme Cathline a décidé de consacrer ses études universitaires à ce domaine, et c’est de façon toute naturelle qu’elle a atterri à l’Université de Guelph [en anglais seulement], connue pour ses solides programmes d’horticulture et d’agriculture. En 2002, elle a obtenu un baccalauréat ès sciences (avec distinction) de l’Université de Guelph, où elle a étudié la biologie et la génétique végétales.

Au cours de ses études de premier cycle, elle passait ses vacances d’été à travailler dans un laboratoire de recherche en physiologie végétale du Département de botanique sur le campus de l’Université de Guelph et elle a également obtenu un stage à l’Institut de biotechnologie du Conseil national de recherches du Canada à Saskatoon. Ces expériences pratiques en laboratoire ont eu une influence positive sur son choix de carrière en recherche appliquée.

En 2005, Mme Cathline a accepté un poste aux côtés de M. Matthew Fidelibus du Département de viticulture et d’œnologie de l’Université de Californie – Davis (UC Davis) [les trois sites sont en anglais seulement]. À l’époque, ce laboratoire était l’un des seuls dans le monde où l’on menait de la recherche appliquée sur les trois types de raisins (raisins de table, raisins de cuve et raisins secs).

Ayant vécu et travaillé en Californie pendant huit ans, Mme Cathline en connaît un rayon sur le vin. Mais outre ces connaissances, c’est la fierté de voir l’impact de son travail sur les producteurs et les sociétés partenaires à UC Davis qui a jeté les bases de sa carrière en sciences appliquées.

En 2013, l’attrait du comté viticole de Niagara a fait revenir Mme Cathline et sa famille en Ontario, et c’est cette année-là qu’elle a accepté un poste de technicienne principale en recherche au Vineland Research & Innovation Centre [en anglais seulement]. Elle y a évolué en occupant différents postes, dont celui de responsable des projets spéciaux et de secrétaire générale. En 2017, elle a aussi obtenu sa maîtrise en sciences biologiques (phytologie, œnologie et viticulture) de l’Université Brock [en anglais seulement].

Ses fonctions actuelles de gestionnaire des programmes de recherche au HESIC mettent en valeur son expertise en sciences horticoles, ainsi que ses solides compétences en administration et en gestion. Tout au long de sa carrière aux multiples facettes, Mme Cathline a accumulé une vaste expérience pratique en conciliant son travail dans le milieu universitaire et ses fonctions de liaison avec le secteur privé et le gouvernement dans des domaines tels que la communication et le financement.

Au-delà de ses activités professionnelles, Mme Cathline trouve une immense satisfaction personnelle dans le travail bénévole qu’elle accomplit dans sa communauté, notamment l’aide aux enfants défavorisés. Si son travail au HESIC vise à répondre aux besoins de l’industrie, des agriculteurs et des nouveaux producteurs commerciaux, lorsqu’il est question de sécurité alimentaire, elle a à cœur de s’attaquer au problème de la faim chez les enfants.

« Comme bien des gens, j’ai été choquée d’apprendre que certains enfants au Canada, ici même dans ma région de l’Ontario, vont à l’école le ventre vide, et je me suis sentie obligée de faire quelque chose pour remédier à cette situation », dit Mme Cathline. Récemment, elle a mis ses fonctions de bénévole en veilleuse, mais pour une bonne raison : c’est qu’au cours des quatre dernières années, elle a remodelé le programme au HESIC, mis sur pied son équipe et entrepris une expansion passionnante sur le campus Daniel J. Patterson à Niagara-on-the-Lake.

La région de Niagara : une oasis d’apprentissage et d’innovation

Située au cœur de l’Ontario, la région de Niagara [en anglais seulement] est un véritable jardin botanique. Son microclimat unique, qui résulte des courants d’air chaud provenant du lac Ontario, crée un havre tempéré pour l’agriculture, l’horticulture et la viticulture. Les vignobles vallonnés et les vergers luxuriants de la région profitent de ces conditions clémentes et produisent certains des meilleurs vins et produits agricoles du Canada.

L’équilibre entre tradition et innovation contribue aussi au charme de cette région. C’est un laboratoire vivant de recherche en serre, une oasis verdoyante où des scientifiques et des entrepreneurs en herbe trouvent l’inspiration. La région de Niagara est donc un endroit idéal pour un établissement d’enseignement dédié à façonner l’avenir de l’agriculture, et c’est précisément l’une des raisons pour lesquelles le Niagara College est si recherché.

Pour la deuxième fois en moins de cinq ans, Research Infosource a publié un rapport [en anglais seulement] qui classe le Niagara College au premier rang des collèges au Canada pour ce qui est du financement; l’établissement figure dans ce palmarès des dix meilleurs collèges du pays pour la neuvième année consécutive.

« L’attrait que nous exerçons sur les étudiants réside en partie dans l’accès que nous leur offrons à des travaux pratiques grâce au microclimat de la région. Nous cultivons les vignes, et les étudiants peuvent les tailler, les entretenir et récolter le raisin. Ils peuvent ainsi s’investir activement dans leurs études », explique Mme Cathline.

« Ce climat unique est aussi l’une des raisons du succès de certains programmes comme Technicienne/technicien en horticulture, Technicienne/technicien en aménagement paysager, Technicienne/technicien en vitiviniculture, et surtout Technicienne/Technicien de serre [les cinq sites sont en anglais seulement]. Mais c’est aussi parce que le collège analyse constamment l’industrie et son besoin de main-d’œuvre. L’équipe du collège prend en compte ce qui est pertinent pour la région et travaille avec diligence pour aligner nos programmes en conséquence. »

Le Niagara College offre aussi un programme exhaustif sur la production de cannabis [en anglais seulement], et Mme Cathline souligne qu’il s’agit d’un des premiers établissements à avoir offert ce type de programme. « L’équipe est toujours à l’affût des nouvelles tendances de l’industrie et développe constamment des moyens de s’adapter et de s’assurer que nos programmes répondent aux demandes de l’industrie. »

Lorsqu’elle est arrivée au Niagara College, l’établissement avait une appellation et une vocation différentes; on l’appelait le Agriculture & Environmental Technologies Innovation Centre (AETIC). Au cours des quatre dernières années, Mme Cathline a dirigé le centre d’innovation en pleine métamorphose. Par l’intermédiaire du Greenhouse Technology Network [en anglais seulement], l’équipe a obtenu du financement et l’a combiné avec le soutien financier du collège et de la région de Niagara. « Nous nous réjouissons de cette aide à la construction d’une serre de recherche spécialisée au centre, car celle-ci renforcera notre réputation d’institut de recherche de haute qualité », dit-elle. Grâce à son soutien et à ses conseils, Mme Cathline a agrandi son équipe d’étudiants et d’employés, qui compte désormais onze personnes, et elle prévoit des progrès et une croissance soutenus à mesure que le centre évoluera. Mais quand le projet de serre sera-t-il terminé?

« Après presque quatre ans de planification, la première pelletée de terre a eu lieu en juillet dernier, la construction va bon train, et si le calendrier est respecté, nous devrions avoir terminé en septembre 2024. Je pense que l’année qui commence sera extraordinaire pour le collège et le HESIC! »

Grâce au microclimat unique de la région, le succès futur des programmes d’horticulture et d’agriculture du Niagara College s’annonce éclatant. Mme Cathline imagine un havre où les étudiants et les futurs leaders de l’agriculture de partout au Canada et du monde entier viennent apprendre dans un environnement de haut niveau, tout en ayant accès à une expérience pratique par le biais de la recherche appliquée.

Les retombées concrètes de la recherche

La recherche se divise en deux catégories principales : la recherche théorique et la recherche appliquée. La recherche théorique porte sur l’élaboration et la mise à l’essai de nouvelles théories, mais elle est souvent dépourvue d’applications pratiques immédiates. Elle vise à élargir nos connaissances et notre compréhension; il s’agit donc de recherche « exploratoire ».

Par contraste, la recherche appliquée vise à résoudre des problèmes concrets ou à mettre au point des solutions pratiques. Tout en mettant à profit les connaissances théoriques, elle a pour objectif de répondre à des questions pratiques ou d’améliorer des processus. Elle comporte souvent des essais pratiques ainsi que la collecte et l’analyse de données, et s’appuie directement sur la recherche théorique.

Mais pourquoi la recherche appliquée est-elle importante pour faire avancer l’innovation en agriculture et en horticulture? Experte en la matière, Mme Cathline affirme que la recherche théorique est certes importante, mais que l’utilité de la recherche appliquée réside dans l’impact qu’elle a sur les entreprises du monde réel. « Nous pouvons nous appuyer sur cette base théorique pour aider les entreprises à faire progresser leurs produits et à catapulter leurs innovations et leurs technologies vers la commercialisation. »

Il s’agit là d’une caractéristique propre aux programmes du Niagara College. « Pour un étudiant ou un chercheur, il est très gratifiant de participer à ce stade du processus, car on peut mettre la théorie en pratique et voir un produit tangible arriver sur le marché. Il est très satisfaisant de voir un produit arriver sur les tablettes d’un magasin ou de mesurer l’agrandissement de la superficie d’un champ. Être en mesure d’apporter un changement positif dans la vie des gens, c’est une expérience merveilleuse », dit Mme Cathline.

De la recherche à la réussite commerciale

Parmi les récents exemples de réussite, Mme Cathline souligne deux partenariats entre le collège et des innovateurs qui accélèrent le développement de leurs activités au-delà de toute attente.

SoilOptixMD [en anglais seulement], une entreprise spécialisée dans la technologie et le développement de logiciels située à Tavistock, en Ontario, s’est associée avec la division de la recherche et de l’innovation du Niagara College en 2017. Profitant également des conseils et du soutien financier de Bioenterprise Canada, l’entreprise repousse les limites de l’analyse et de la cartographie traditionnelles des sols grâce à une technologie de haute précision qui permet aux agriculteurs de cerner des lacunes jusque-là ignorées et d’offrir une approche soigneusement réglée et personnalisée de l’amendement des sols.

Durant cette collaboration [en anglais seulement], l’équipe du HESIC a déterminé et aidé à affiner un facteur clé du succès de SoilOptix : l’automatisation. Par ailleurs, le processus d’analyse des données, qui prenait jadis environ huit heures, ne prend plus que quelques minutes, et avant longtemps, il ne prendra plus que quelques secondes.

Un autre exemple de réussite associé au HESIC est celui d’un partenariat avec l’entreprise canadienne International Zeolite (IZ) [en anglais seulement]. Les zéolites sont des minéraux à la structure poreuse qui ont la capacité d’absorber de manière sélective des molécules et des ions, ce qui les rend utiles pour de nombreuses applications pratiques, notamment en agriculture. Les zéolites s’avèrent remarquables dans la production d’aliments pour animaux, d’engrais et d’autres amendements du sol, ainsi que dans des procédés comme l’assainissement de l’environnement, la gestion des déchets et la filtration de l’eau.

L’équipe [en anglais seulement] du HESIC a soutenu la mise au point de NEREAMD, un produit qui offre une solution de rechange aux systèmes de culture traditionnels, et qui permettrait de réguler l’humidité et de contrôler la trajectoire des éléments nutritifs. Cette innovation vise à éliminer les complexités de la circulation des éléments nutritifs, de la mesure et du contrôle des systèmes traditionnels.

Comme SoilOptixMD, IZ a bénéficié durant sa croissance des services de mentorat et des solutions de financement offertes par Bioenterprise Canada. En 2021, IZ a été nommée lauréate du défi Accélération pour les solutions et les technologies relatives aux engrais [en anglais seulement], un programme visant à reconnaître les efforts des entreprises pour offrir des solutions de rechange et réduire la dépendance à l’égard des engrais importés dans le secteur agricole. 

Les partenariats entre les innovateurs et le HESIC sont mutuellement avantageux : les entreprises font évoluer leurs produits vers une commercialisation réussie tandis que les étudiants acquièrent une expérience pratique précieuse. Selon Mme Cathline, le succès de ces partenariats découle de la collaboration et de la structure délibérée de ces groupes de collaboration.

« Nous cherchons à bâtir des relations avec des partenaires solides, et quand ces partenaires travaillent avec nous, nous nous assurons qu’il y a une représentation solide au sein de chaque équipe : le partenaire de l’industrie, un expert du domaine qui peut être un de nos chercheurs ou un membre du corps professoral, ainsi que des étudiants. À l’heure actuelle, mon équipe compte six étudiants qui participent très activement aux projets. Ils font partie intégrante du processus. Nos partenaires de l’industrie sont ravis qu’il y ait des étudiants dans l’équipe, et beaucoup finissent par embaucher nos étudiants. »

Si la représentation de diverses parties prenantes est un facteur important dans ces histoires de réussite, cette préoccupation est aussi un élément fondamental du style de leadership de Mme Cathline.

Combler le fossé entre les genres dans les domaines de l’agriculture et des STGM

Selon Statistique Canada, le nombre de femmes inscrites aux programmes d’études postsecondaires liés aux sciences, à la technologie, au génie et aux mathématiques (STGM) est en hausse, tout comme le nombre d’exploitations agricoles dirigées par des femmes.

Les femmes ne représentent que 25 % des personnes qui font carrière dans le domaine des STGM au Canada. La mise à profit des ressources inexploitées qui existent dans cette tranche démographique aiderait grandement le Canada à atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2025. Le fossé entre les genres dans les domaines des STGM [en anglais seulement] est difficile à combler, mais nous pouvons tous contribuer à apporter un changement positif en reconnaissant cette lacune et en déployant des efforts de sensibilisation.

Si cela peut sembler « normal » pour de nombreuses femmes, Mme Cathline admet qu’elle participe souvent à des réunions entourée d’hommes. « C’est parfois difficile, mais je crois que la voix des femmes doit être entendue. Nous avons des choses importantes à dire et nous pouvons contribuer à ces conversations qui peuvent apporter de la valeur à l’industrie. »

L’élimination des pratiques biaisées, la création d’environnements propices à l’apprentissage, la modification des méthodes d’enseignement et la mise en place d’un mentorat actif pour les femmes sont des stratégies à adopter et à promouvoir. Lorsqu’elle réfléchit à sa carrière, Mme Cathline attribue sa réussite aux mentors qui l’ont toujours encouragée et soutenue. « Dans plus d’un cas, quelqu’un a remarqué un potentiel chez moi et l’a mis en évidence. Cela m’a donné confiance dans mes études et dans ma carrière », dit-elle.

« Saisissez les possibilités qui s’offrent à vous, et ne croyez jamais que vous n’êtes pas assez nombreuses ou pas assez compétentes pour aller de l’avant », conseille-t-elle aux femmes et aux filles qui aspirent à faire carrière en agrotechnologie ou dans un domaine lié aux STGM. « Soyez prêtes à travailler et à prendre des risques, et croyez en vos capacités. »

Et aux personnes qui occupent des postes de direction et qui ont la capacité d’influencer et de soutenir les autres, elle demande de reconnaître la valeur potentielle des gens et de saisir les occasions de les aider à se perfectionner. « Certaines personnes ne voient pas toujours ce qu’elles ont en elles, alors il faut intervenir pour les aider à s’épanouir. Si vous êtes en mesure de contribuer à façonner l’avenir de quelqu’un, en particulier d’une femme, vous avez le pouvoir de changer une vie. »

Kimberley Cathline est une visionnaire qui cherche à réinventer l’environnement d’apprentissage de la prochaine génération de professionnels de l’agriculture au Niagara College. Véritable modèle pour les femmes et autres leaders, elle nous montre, par son humilité et son dévouement envers son équipe et ses étudiants, que la passion, le travail acharné et l’inclusion peuvent jeter les bases d’un avenir radieux pour le secteur agrotechnologique du Canada.