Comprendre le rôle des accélérateurs agrotechnologiques comme moteurs de croissance des systèmes alimentaires du Canada

Michael McGee, directeur de l’innovation à Bioenterprise, et Mme Lenore Newman, directrice du Food and Agriculture Institute de l’Université Fraser Valley (UFV), expliquent pourquoi les programmes d’accélération de l’agrotechnologie sont essentiels pour l’avenir de l’alimentation.

Posted: Juin 7, 2024

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Par Tabitha Caswell pour Bioenterprise

En stimulant l’innovation, la commercialisation et l’adoption de technologies et de produits agroalimentaires nouveaux et prometteurs, les programmes d’accélération de l’agrotechnologie jouent un rôle important en reliant les éléments mobiles de notre système alimentaire moderne.

Mais ces programmes ne se mettent pas en place tout seuls. Qui est à l’origine de ces programmes et pourquoi sont-ils importants pour le Canada et le reste du monde?

Dans cet article de la série Dans les coulisses de Bioenterprise, nous allons démystifier le but des accélérateurs et expliquer pourquoi ils sont essentiels pour favoriser le développement, l’essor et l’adoption des technologies agricoles et alimentaires. Nous expliquerons aussi comment fonctionnent les programmes d’accélération et qui les dirige.

En explorant les répercussions aux échelons local et mondial, vous acquerrez une compréhension générale de la manière dont ces programmes et organisations donnent des moyens aux entrepreneurs, introduisent des innovations de pointe dans nos systèmes alimentaires et renforcent notre économie.

Mme Lenore Newman, directrice du Food and Agriculture Institute de l’Université Fraser Valley (UFV) et auteure de plusieurs livres et publications, dont un rapport de recherche conjoint intitulé The Role of Incubators and Accelerators in the Fourth Agricultural Revolution: A Case Study of Canada (2021) [en anglais seulement] nous livre son point de vue.

Michael McGee, directeur de l’innovation à Bioenterprise, participe également à la conversation. Fort d’une longue expérience d’administrateur de sociétés privées et publiques, M. McGee investit du capital-risque dans des petites et moyennes entreprises depuis le début des années 1990. Après avoir occupé de nombreux postes tout au long de sa carrière, il siège actuellement aux conseils d’administration du Durum Properties Inc. et de Stoked Oats [en anglais seulement], à Calgary, en Alberta.

Qu’est-ce qu’un accélérateur agrotechnologique?

Les accélérateurs agrotechnologiques sont des programmes spécialisés conçus pour accélérer la croissance et le succès des nouvelles entreprises dans le secteur agricole. Ces accélérateurs offrent à la fois du financement, du mentorat et des services essentiels de mise en relation avec l’industrie, constituant ainsi un écosystème solide où les entreprises émergentes peuvent atteindre leurs objectifs.

Contrairement aux incubateurs, qui peuvent soutenir les entreprises en démarrage pendant de longues périodes sans but précis, les programmes d’accélération fonctionnent généralement pour une durée déterminée, de trois à six mois par exemple, ce qui donne lieu à des progrès rapides et significatifs. Les participants bénéficient d’un accompagnement intensif et d’un accès aux ressources, ce qui les aide à affiner leur modèle d’entreprise, à accélérer le développement et la commercialisation de leurs produits et à étendre leurs activités de manière efficace.

Ce soutien structuré commence souvent par une procédure de candidature ou un concours de présentation et se termine parfois par une journée de démonstration, au cours de laquelle les entrepreneurs présentent leurs innovations à des investisseurs potentiels et à des chefs de file du secteur, dans le but d’obtenir un soutien supplémentaire et une entrée sur le marché.

En règle générale, les programmes d’accélération sont gérés par une entité ou un établissement plus important – une entreprise ou une société indépendante, un organisme gouvernemental, une organisation sans but lucratif ou une université. Cette organisation peut gérer plusieurs programmes simultanément ou par cycles tout au long de l’année, fournissant des fonds, des ressources et une orientation stratégique.

Les thèmes de chaque programme dépendent des objectifs et des domaines d’intérêt. Ils sont généralement élaborés dans le cadre de partenariats de collaboration entre plusieurs organisations et entreprises. Cette collaboration entre les différentes parties prenantes peut être complexe, mais en même temps, elle peut aboutir à des résultats très positifs.

« Les programmes d’accélération sont un élément essentiel de tout écosystème d’innovation, dit Mme Newman. Je les ai étudiés en profondeur. Ils constituent une passerelle essentielle entre la recherche axée sur la découverte et la formation dans les universités et le processus de recherche et développement (R et D) et le lancement d’une entreprise. Ils constituent une mine de ressources et un lien avec le capital-risque. »

Essentiellement, un accélérateur est un véhicule de collaboration directe avec les entreprises en démarrage, et l’organisation qui le soutient s’occupe de la gestion générale, de la logistique et des objectifs stratégiques pour assurer le succès du programme et son alignement sur des objectifs commerciaux ou économiques plus larges.

Le rôle des accélérateurs dans l’écosystème agroalimentaire canadien

Si les programmes d’accélération de l’agrotechnologie servent de ponts essentiels au sein de l’écosystème agroalimentaire, ils peuvent également jouer un rôle crucial en facilitant l’adoption de nouvelles technologies.

En comblant le fossé entre les entrepreneurs innovants et l’industrie en général, ces programmes présentent souvent de nouvelles innovations à un réseau d’agriculteurs, d’agroentrepreneurs et d’autres intervenants du secteur agricole. Les activités peuvent comprendre la formation et la sensibilisation aux nouvelles technologies ainsi que la démonstration des avantages afin d’encourager leur adoption dans les exploitations agricoles ou dans les installations de production.

En outre, ces programmes et les organisations qui les gèrent génèrent un développement économique positif qui passe souvent inaperçu aux yeux du public. Il importe de reconnaître les risques auxquels les entrepreneurs sont confrontés lorsqu’ils mettent sur le marché une nouvelle entreprise, un nouveau produit ou une nouvelle technologie. Lorsqu’elles réussissent, ces entreprises créent des possibilités pour un public encore plus large que le leur.

« Bon an, mal an, les petites entreprises canadiennes, soit celles qui comptent moins de 100 employés, créent généralement plus de 80 % des nouveaux emplois dans le secteur privé, souligne Michael McGee. Le démarrage d’une nouvelle entreprise est très risqué, et les accélérateurs fournissent un contenu complet et des services de mentorat qui peuvent améliorer considérablement leurs chances de réussite. »

En favorisant la collaboration avec des entreprises et des établissements de recherche établis, les accélérateurs aident à relever des défis majeurs et à intégrer de nouvelles solutions sur le marché, ce qui engendre des retombées économiques grâce aux progrès technologiques et aux pratiques agricoles durables adoptées dans les fermes.

Les défis de l’innovation dans le secteur agroalimentaire canadien

Les systèmes alimentaires du Canada fonctionnent selon un modèle régional fragmenté et déconnecté, ce qui entraîne des inefficacités sur le plan de la communication, de l’allocation et de la hiérarchisation des ressources, ainsi que des obstacles logistiques.

« Cette fragmentation résulte de plusieurs facteurs inévitables, notamment la taille du pays, la répartition de la population et les différences entre les économies régionales, dit M. McGee. Malheureusement, je pense aussi que les barrières commerciales interprovinciales et la lourdeur de l’environnement réglementaire entravent l’activité des entreprises. Une approche plus collaborative entre les régions améliorerait la capacité des entrepreneurs à réussir à l’échelle nationale, en jetant des bases solides pour se développer à l’international. »

Ces problèmes sont aggravés par la diversité des paysages du pays et les extrêmes climatiques qui présentent des défis agricoles uniques que les accélérateurs agrotechnologiques sont stratégiquement positionnés pour relever. Les défis mis à part, le Canada possède un grand potentiel d’excellence.

En s’inspirant d’autres secteurs, le secteur agrotechnologique peut adapter des stratégies fructueuses comme l’exploitation de nouvelles technologies de rupture et le démêlage des questions réglementaires, l’amélioration de la mise au point de solutions agricoles et la préparation commerciale pour faire face aux facteurs de risque qui contribuent à augmenter l’insécurité alimentaire.

Cette perspective intersectorielle peut favoriser la croissance et la durabilité au Canada en améliorant l’efficacité et la résilience de la chaîne d’approvisionnement alimentaire locale et mondiale.

Perspective mondiale

À l’échelle mondiale, des organisations repoussent les frontières de l’innovation agricole. Leurs programmes soutiennent le potentiel de développement et la durabilité aux échelons local et mondial grâce à des outils d’agriculture de précision, à des solutions biotechnologiques avancées et plus encore.

L’organisme Agri-TechE [en anglais seulement] au Royaume-Uni et le Food Accelerator Network [en anglais seulement] de l’Institut européen d’innovation et de technologie en Belgique sont de bons exemples.

« Comme sa superficie est inférieure à celle de l’île de Vancouver, la comparaison avec le Canada n’est pas vraiment juste, mais je pense qu’Israël, qui compte une population de 10 millions d’habitants, possède un écosystème d’innovation exceptionnel », dit M. McGee.

The Kitchen FoodTech Hub [en anglais seulement] est géré par Strauss Group, l’un des plus grands transformateurs d’aliments d’Israël. Cette organisation qui, techniquement, est un incubateur, est digne de mention. Ses programmes visent à encourager les innovations technologiques dans le domaine des aliments et des boissons et sont réputés pour le soutien qu’ils apportent aux jeunes pousses dans les domaines des protéines de substitution, de l’emballage durable et des technologies agricoles intelligentes.

L’approche « à hélice quadruple » des Pays-Bas est le meilleur modèle, estime Mme Newman, faisant référence à sa stratégie d’innovation qui prend en compte l’interaction et la coordination entre quatre groupes de parties prenantes : les citoyens de la communauté, les entrepreneurs, le gouvernement et les chercheurs. Elle ajoute que l’organisme TopSector s’impose comme chef de file incontesté.

TopSector Agri & Food [en anglais et en néerlandais seulement] rassemble le milieu universitaire, les entreprises, les gouvernements, le milieu de la recherche et les organisations sociales afin de maximiser l’efficacité et d’accélérer l’innovation dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture. À ce jour, ses travaux ont débouché sur plus de 500 projets de toutes tailles soutenant des domaines tels que l’économie circulaire, les risques climatiques, la santé et la sécurité, la durabilité et bien d’autres encore.

En comparant ces modèles internationaux avec ceux du Canada, nous pouvons cerner des défis communs et des approches uniques au sein de notre système agricole et alimentaire, ce qui nous permet de mieux comprendre ce qui fait le succès et la valeur des accélérateurs agrotechnologiques à l’échelle régionale et mondiale.

Un rôle de chef de file pour le Canada

Mme Newman souligne que le Canada, comparativement aux États-Unis, dispose de beaucoup moins de fonds de capital-risque et d’un réseau d’investisseurs providentiels moins solide. En outre, elle explique que les universités des États-Unis sont beaucoup plus alignées sur l’industrie ainsi que sur les accélérateurs et les incubateurs.

« Le Canada jouit d’une bonne réputation dans le domaine de la recherche primaire, mais n’est pas aussi bien classé en ce qui concerne la commercialisation de ces initiatives, souligne M. McGee. De nombreux programmes gouvernementaux de financement non dilutif sont utiles, mais je pense que nous pouvons faire mieux pour inciter les entreprises à s’investir et les investisseurs à participer plus activement. »

Optimiste, Mme Newman affirme que le Canada dispose des matières premières nécessaires – terre, énergie, talents – pour devenir le chef de file mondial de la production alimentaire. « En tant qu’entrepreneure, je trouve que c’est un très bon endroit pour bâtir. Nous avons d’excellents programmes comme Mitacs, les encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental et d’autres encore. Il y a beaucoup de capital non dilutif à utiliser. » Elle ajoute que les programmes d’accélération ne suffisent pas à eux seuls à porter le poids d’un écosystème; ils font simplement partie d’un écosystème fructueux.

Comme les organisations d’Europe et d’Israël mentionnés précédemment, Bioenterprise s’efforce de relier toutes les pièces mobiles de la machine agroalimentaire et agrotechnologique du Canada afin d’accélérer la commercialisation de nouveaux produits et de nouvelles technologies.

Gros plan sur Bioenterprise

Bioenterprise, le Réseau foodtech et agtech du Canada, est un moteur de croissance pour les jeunes entreprises de notre secteur agricole depuis plus de 20 ans. L’équipe du Réseau conçoit et soutient des programmes d’accélération pour les entreprises agroalimentaires, mais ce n’est pas tout ce qu’elle fait.

Forte d’une expertise approfondie et d’un réseau national étendu et grandissant d’experts, de partenaires et de chercheurs du secteur, Bioenterprise est équipée pour soutenir les entreprises agrotechnologiques en plein essor. Ce consortium s’est engagé à briser les silos industriels, à réunir les éléments fragmentés de nos systèmes alimentaires et à stimuler l’innovation agroalimentaire à l’échelle du Canada.

Le Réseau de Bioenterprise offre du mentorat sur mesure, des possibilités de partenariat stratégique et des voies de financement essentielles pour aider les entreprises en démarrage à affiner leurs innovations et à développer leurs activités de manière efficace. En fournissant ces ressources complètes, Bioenterprise veille à ce que les entreprises agrotechnologiques canadiennes prospèrent sur le marché mondial concurrentiel.

Alors que les systèmes alimentaires au Canada et ailleurs dans le monde sont confrontés à des défis croissants comme les risques climatiques et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, nous pouvons nous réjouir de savoir que Bioenterprise et d’autres organisations mondiales œuvrent en faveur d’un changement positif.

Surveillez les prochains billets, dans lesquels nous nous pencherons plus en détail sur les technologies et les jeunes entreprises qui façonnent l’avenir de l’agroalimentaire. Participez à la conversation – partagez vos réflexions et vos expériences avec les accélérateurs agrotechnologiques et les organisations de soutien sur nos réseaux sociaux et explorez le site Web de Bioenterprise pour en savoir davantage sur nos programmes et nos réussites.