Les effets des changements climatiques ont un impact sur la sécurité alimentaire mondiale, et le Canada n’est pas à l’abri. À mesure que les défis s’intensifient, des champs à nos tables, nous en subissons tous les conséquences. Que pouvons-nous faire pour nous adapter?
Par Tabitha Caswell pour Bioenterprise Canada
Le Canada a beau posséder une abondance de ressources, ses systèmes agricole et alimentaire sont influencés de manière unique par sa géographie, composée d’un large éventail de zones climatiques allant du climat doux et tempéré au climat subarctique. Dans une grande partie du pays, qui est situé dans l’hémisphère Nord, les saisons de croissance sont courtes, et à mesure que le réchauffement se poursuivra, nos écosystèmes vulnérables seront touchés par des phénomènes météorologiques défavorables et inattendus comme les sécheresses, les incendies et les inondations.
Une dynamique complexe de facteurs socioéconomiques, de perspectives multiculturelles et de cadres politiques contribue à façonner l’approche du Canada en matière de lutte contre les effets des changements climatiques, laquelle nécessite des stratégies d’adaptation collaboratives et propres au contexte afin de garantir la résilience et la durabilité de notre secteur agroalimentaire.
Dans cet article, nous nous pencherons sur la façon dont le système agroalimentaire canadien peut s’adapter en tirant parti de l’innovation et des technologies modernes, tout en intégrant de manière stratégique un retour aux pratiques agricoles traditionnelles.
Encourager la biodiversité et améliorer la santé des sols
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) reconnaît l’agroécologie comme un outil essentiel et transformateur permettant de bâtir des écosystèmes résilients et d’assurer la production alimentaire durable. L’agroécologie tient compte des aspects écologiques, économiques et sociaux de l’agriculture pour créer des systèmes alimentaires durables et résilients. Cette pratique intègre des principes écologiques et des connaissances locales pour promouvoir l’équité sociale et la souveraineté alimentaire tout en s’attaquant aux défis que présentent les changements climatiques.
L’agrobiodiversité, pierre angulaire de l’agroécologie, soutient des écosystèmes robustes qui sont essentiels à la production alimentaire durable. La diversification favorise la lutte naturelle contre les parasites, améliore la fertilité des sols et assure des écoservices vitaux. Des sols sains et enrichis grâce à des pratiques comme le compostage et l’épandage de biocharbon séquestrent le carbone tout en améliorant la rétention de l’eau et la disponibilité des éléments nutritifs, ce qui renforce la résilience des cultures agricoles.
La diversification des variétés de cultures et l’intégration du savoir traditionnel aux pratiques modernes permettent aux agriculteurs d’atténuer les risques climatiques tout en améliorant la sécurité alimentaire. Les stratégies de gestion durable des éléments nutritifs comme les cultures de couverture et la rotation des cultures réduisent la dépendance à l’égard des intrants synthétiques.
En faisant de la biodiversité et de la santé des sols une priorité, le Canada peut renforcer la résilience de son système agricole vis-à-vis des changements climatiques tout en garantissant la production alimentaire nationale pour les générations futures.
Adopter les technologies génétiques
L’accès aux technologies génétiques offre des possibilités inégalées de relever les défis complexes auxquels est confronté notre système alimentaire. À mesure que la recherche et le développement progressent dans ce domaine, l’adoption de ces technologies peut révolutionner la manière dont les cultures réagissent au changement climatique, en les rendant plus résistantes. Grâce à la recherche en génomique végétale, les sélectionneurs peuvent exploiter la diversité génétique pour mettre au point des cultures présentant des caractéristiques comme la résistance aux maladies, la tolérance à la sécheresse et des profils nutritionnels améliorés.
De même, les programmes de génétique animale offrent la possibilité d’atténuer l’impact environnemental de l’élevage, notamment en réduisant les émissions de méthane. Grâce à la sélection génomique, les chercheurs s’efforcent de créer des races de bétail ayant une efficacité alimentaire accrue et une production de méthane plus faible par unité de production. Non seulement ces avancées favorisent-elles la durabilité environnementale, mais elles renforcent également la viabilité économique de l’agriculture animale, facteur essentiel pour l’adoption de ce type de pratique dans les exploitations agricoles canadiennes.
Les technologies génétiques peuvent non seulement accroître la productivité, mais aussi réduire l’empreinte carbone des pratiques agricoles.
Optimiser l’IA, l’apprentissage automatique et l’analyse des données
L’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique offrent des possibilités sans précédent pour améliorer la prise de décisions dans nos systèmes alimentaires. En analysant des ensembles de données sur les régimes climatiques, la santé des sols, les tendances du marché et plus encore, les intervenants peuvent faire des choix éclairés pour atténuer les risques climatiques, améliorer la durabilité et stimuler la production dans l’ensemble du secteur agroalimentaire canadien.
L’application de l’analyse des données est porteuse de grandes promesses pour l’avancement de la bioéconomie circulaire en agriculture. En exploitant l’IA et les algorithmes d’apprentissage automatique, les chercheurs peuvent identifier les synergies entre les flux de déchets agricoles et les produits à valeur ajoutée, comme les biocarburants et les bioplastiques. Ces technologies optimisent l’utilisation des ressources et les pratiques de gestion des déchets, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et renforçant la durabilité de nos systèmes alimentaires.
En tirant parti de l’IA, de l’apprentissage automatique et de l’analyse des données, le Canada peut favoriser l’innovation, optimiser la production et le transport des denrées alimentaires et proposer des solutions durables pour relever les défis que présentent les changements climatiques en agriculture.
Maximiser les technologies d’agriculture de précision
Les technologies d’agriculture de précision offrent des solutions transformatrices permettant d’améliorer la durabilité de l’agriculture et la production agricole. Les agriculteurs peuvent optimiser les ressources, réduire leur impact sur l’environnement et améliorer les rendements grâce à des outils innovants comme les drones et les capteurs. Ces technologies permettent de mettre en œuvre des pratiques de gestion adaptées à chaque site afin de contrôler et d’améliorer la santé des sols, l’efficacité de l’irrigation, la conservation de l’eau et la résilience des cultures.
En outre, les technologies émergentes permettront de révolutionner le secteur de l’élevage et d’en atténuer les effets sur le climat. Grâce aux systèmes de surveillance et de nutrition de précision, les éleveurs peuvent améliorer la santé et le bien-être des animaux, optimiser l’efficience alimentaire et réduire les émissions de méthane.
Dans les régions nordiques, les technologies d’agriculture de précision contribuent de manière décisive à relever des défis uniques et à améliorer la résilience de l’agriculture. En adaptant les pratiques de gestion aux conditions locales, les agriculteurs pourront intensifier la production agricole de manière durable, améliorant ainsi la sécurité alimentaire locale et la durabilité de l’environnement.
Privilégier la production alimentaire locale pour atténuer les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement
La pandémie de COVID-19 a mis au jour les faiblesses de la chaîne d’approvisionnement du Canada, mais a aussi fait ressortir des possibilités d’amélioration. La production alimentaire locale offre une solution aux défis anticipés de la chaîne d’approvisionnement, qui sont exacerbés par les changements climatiques, en réduisant la dépendance à l’égard des transports longue distance et en atténuant les perturbations de l’approvisionnement mondial. Dans notre secteur aquicole, par exemple, la production locale renforce la sécurité alimentaire et favorise le développement économique des communautés côtières. Dans les régions reculées soumises à des conditions extrêmes, des technologies innovantes comme l’agriculture cellulaire et la fermentation constituent des options attrayantes et viables pour le Canada.
En renforçant l’autonomie et en diversifiant les options d’approvisionnement, les systèmes alimentaires locaux réduisent l’exposition aux chocs externes comme les pénuries d’engrais et les phénomènes météorologiques extrêmes, garantissant ainsi la sécurité alimentaire à l’échelle régionale et nationale. La priorité accordée aux principes agroécologiques et aux systèmes alimentaires communautaires renforce la souveraineté alimentaire locale et l’adaptabilité aux effets du changement climatique, ce qui favorise la résilience et l’équité.
L’adoption de principes de production alimentaire locale favorise la résilience de la chaîne d’approvisionnement, le développement économique et la sécurité alimentaire pour tous les Canadiens.
Développer la technologie des serres et l’agriculture verticale
En raison des courtes saisons de croissance du Canada, la technologie des serres et l’agriculture verticale sont vitales pour la production alimentaire nationale. Ces méthodes créent des environnements contrôlés qui optimisent la lumière, la température et l’utilisation de l’eau, permettent ainsi de cultiver des fruits et légumes frais toute l’année. L’agriculture verticale, en particulier dans les zones urbaines, réduit l’empreinte carbone et atténue l’insécurité alimentaire.
L’agriculture en environnement contrôlé, qui englobe les serres et l’agriculture verticale, marque un tournant dans la durabilité de l’agriculture. En utilisant des technologies comme l’éclairage DEL et la culture hydroponique, les producteurs maximisent l’efficacité des ressources tout en réduisant l’impact sur l’environnement. Ces innovations permettent non seulement d’augmenter le rendement des cultures, mais aussi de réduire l’utilisation de l’eau, la dépendance à l’égard des pesticides et les émissions de gaz à effet de serre, ce qui favorise une agriculture adaptée au climat.
Grâce à ces technologies, la production permanente de fruits et légumes frais en environnement contrôlé réduit la dépendance à l’égard des importations et renforce la sécurité alimentaire dans les collectivités canadiennes isolées. En outre, l’intégration de l’agriculture verticale en milieu urbain crée des sources de nourriture locales et accessibles tout en réduisant l’empreinte écologique liée à l’expédition et au transport.
L’adoption et le développement de la technologie des serres et de l’agriculture verticale renforcent la résilience agricole, la sécurité alimentaire et les efforts du Canada en matière d’atténuation du changement climatique.
Renforcer la gestion des déchets agricoles et l’économie circulaire
La gestion des déchets est essentielle au développement de la bioéconomie circulaire dans le secteur agricole canadien. La conversion des déchets agricoles en produits à valeur ajoutée comme les biocarburants et le biocharbon crée des systèmes en boucle fermée qui maximisent l’utilisation des ressources et réduisent l’impact sur l’environnement.
Les technologies de conversion de la biomasse, telles que la pyrolyse et la digestion anaérobie, transforment les résidus organiques en sources d’énergie renouvelable et en amendements du sol, améliorant ainsi la santé et la fertilité des sols tout en atténuant les effets des changements climatiques. L’adoption des technologies de gestion des déchets et des principes de l’économie circulaire permet de réduire les déchets, d’atténuer les changements climatiques et de mettre en place des systèmes agricoles résilients au profit de l’environnement et de l’économie.
Lorsqu’on examine la relation entre les impacts des changements climatiques et l’insécurité alimentaire au Canada, il apparaît évident que ces défis nécessitent une action urgente. Pourtant, comme on le souligne dans Nouveau pacte agricole : un plan en neuf points pour une agriculture adaptée, un rapport publié par l’Institut d’action climatique RBC, les investissements du Canada en agriculture adaptée au climat sont à la traîne par rapport à ceux des chefs de file mondiaux.
« Je suis le témoin direct du pouvoir de transformation des innovations agrotechnologiques face aux défis urgents en matière de climat et de sécurité alimentaire », dit le président-directeur général de Bioenterprise, Dave Smardon. « Il est essentiel que nous intensifiions nos efforts et que nous investissions massivement dans une agriculture adaptée au climat afin de suivre le rythme des autres pays et d’assurer un avenir durable aux Canadiens. »
Moyennant un financement budgétaire suffisant, et grâce à un mélange d’innovation, de sagesse traditionnelle et de collaboration communautaire à l’échelle du pays, le Canada dispose des éléments de base pour soutenir et mettre en place un système alimentaire résilient et durable capable de résister aux impacts d’un climat en plein changement. Travaillons ensemble pour assurer la sécurité alimentaire des générations futures tout en préservant notre environnement et notre économie.