Billet de blogue de notre partenaire : Recherche en malherbologie – la science au féminin

Le Département d’agriculture végétale de l’Université de Guelph jouit d’une réputation internationale en matière de recherche et d’innovation.

Posted: Oct 31, 2023

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Le Département d’agriculture végétale de l’Université de Guelph jouit d’une réputation internationale en matière de recherche et d’innovation. Les mauvaises herbes constituent un problème grandissant qui touche toutes les cultures et entraîne une foule de défis à relever, de la résistance aux herbicides à l’arrivée de nouvelles espèces envahissantes.

Des chercheuses du département travaillent actuellement sur certaines des solutions les plus innovantes pour lutter contre les mauvaises herbes, faisant appel notamment à la génomique à la nanotechnologie. La rédactrice Jeanine Moyer présente leur travail dans un article publié dans Ontario Grain Farmer, la publication officielle du partenaire de Bioenterprise Canada, Grain Farmers of Ontario.


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DE GAUCHE À DROITE : ISABELLE AICKLEN, FRANCINE BALLANTYNE ET MALAVIKA NAIR. « NOUS ÉTUDIONS UNE NOUVELLE MÉTHODE DE LUTTE CONTRE LES MAUVAISES HERBES FONDÉE SUR LA NANOTECHNOLOGIE POUR POUVOIR AGIR SOURNOISEMENT ET RAPIDEMENT AVANT QU’ELLES TROUVENT UNE FAÇON DE RIPOSTER. »

LE DÉPARTEMENT D’AGRICULTURE VÉGÉTALE de l’Université de Guelph continue d’affermir sa réputation internationale en matière de recherche et d’innovation. Les mauvaises herbes représentent un problème grandissant qui touche l’ensemble des cultures agricoles. Qu’il s’agisse de la résistance accrue aux herbicides, de la recherche de nouvelles méthodes de lutte ou de la surveillance des mauvaises herbes nouvelles et émergentes, les chercheurs du département ne manquent pas de défis à relever. Ontario Grain Farmer s’est entretenu avec trois étudiantes en malherbologie pour découvrir leurs projets de recherche et la manière dont leurs résultats pourraient faire avancer d’éventuelles solutions de lutte contre les mauvaises herbes.

COMPRENDRE LES CAUSES DE LA RÉSISTANCE de l’amarante de Powell AUX HERBICIDES DU GROUPE 4

Le premier cas d’amarante de Powell résistante aux herbicides du groupe 4 au monde a été recensé en Ontario, ce qui attire l’attention de la communauté mondiale des malherbologistes.

La présence de l’amarante de Powell résistante à certains herbicides du groupe 4 a été confirmée dans un champ de pois de transformation du sud-ouest de l’Ontario. Isabelle Aicklen, étudiante diplômée en agriculture végétale de l’Université de Guelph, s’efforce de déterminer les causes de la résistance et de mettre au point, de manière proactive, des stratégies de rechange pour lutter contre l’amarante de Powell résistante aux herbicides dans les cultures de plein champ.

« Comme il s’agit du premier cas de résistance à des herbicides du groupe 4, ce projet de recherche est assez nouveau », explique Mme Aicklen. Introduits durant la Seconde Guerre mondiale, les herbicides chimiques du groupe 4 comptent parmi les plus anciens herbicides synthétiques et la résistance à ces produits a été plus lente à se développer, surtout si l’on compare aux herbicides des groupes 2 à 5, à l’égard desquels la résistance est apparue beaucoup plus vite.

Au cours des deux premières années, les recherches de Mme Aicklen se sont déroulées dans une serre et visaient à confirmer le niveau de résistance aux herbicides dans cette population et à exclure les causes évidentes de la résistance. Maintenant dans la troisième année de ce projet de recherche de quatre ans, Mme Aicklen étudie l’amarante de Powell au niveau moléculaire pour tenter de déterminer exactement quel mécanisme interne de la plante a permis à cette espèce de mauvaise herbe de développer une résistance. « Grâce à la génomique, nous étudions l’expression génétique de la plante afin de déterminer les causes de la résistance, et grâce à ces informations, nous espérons aussi mettre au point d’autres solutions de lutte contre les mauvaises herbes », dit-elle.

Des essais au champ sont aussi menés dans des cultures de maïs et de soya afin d’évaluer l’efficacité d’autres produits chimiques dans la lutte contre cette population d’amarante de Powell. Mme Aicklen indique que si le premier cas de résistance à des herbicides du groupe 4 a été observé dans des cultures de pois, l’amarante de Powell est susceptible d’avoir des répercussions économiques sur des grandes cultures comme le maïs et le soya.

Les recherches de Mme Aicklen visent à cibler les gènes précis qui sont à l’origine de la résistance. Cette découverte aidera la chercheuse à comprendre pourquoi la résistance aux herbicides chimiques du groupe 4 est si lente à apparaître et comment appliquer ces apprentissages aux futures options de lutte contre les mauvaises herbes. Le processus est compliqué, souligne-t-elle, parce que si le groupe 4 existe depuis longtemps, il est difficile de comprendre le fonctionnement scientifique de l’herbicide à l’intérieur de la plante, de déterminer les voies que suivent les produits chimiques et, en définitive, de comprendre pourquoi la résistance évolue.

« Nos résultats pourraient s’appliquer directement aux exploitations agricoles de l’Ontario et influencer les nouvelles solutions de lutte contre les mauvaises herbes, dit Mme Aicklen. Nous espérons que les réponses que nous obtenons aideront les agriculteurs si l’amarante de Powell développe une résistance dans leurs champs. »

LA NANOTECHNOLOGIE AU SERVICE D’UN PROJET DE RECHERCHE NOVATEUR SUR LA LUTTE CONTRE LES MAUVAISES HERBES

Malavika Nair, étudiante au doctorat à l’Université de Guelph, amorce une révolution « verte » dans la lutte contre les mauvaises herbes en introduisant la nanotechnologie pour combattre l’amarante.

« Les mauvaises herbes sont rusées; elles profitent de tout ce dont une culture a besoin pour survivre et développent continuellement des mécanismes d’adaptation, comme la résistance aux herbicides, explique Mme Nair. C’est pourquoi nous étudions une nouvelle méthode de lutte contre les mauvaises herbes fondée sur la nanotechnologie pour pouvoir agir sournoisement et rapidement avant qu’elles trouvent un moyen de riposter. »

Couramment utilisée dans l’élaboration de vaccins, la nanotechnologie est une science qui permet de comprendre et de contrôler les caractéristiques des plus petits atomes et molécules à l’échelle nanométrique. Invisibles à l’œil humain, les nanoparticules peuvent présenter des propriétés physiques et chimiques très différentes de celles des matières végétales de plus grande taille et peuvent servir à transporter des molécules comme l’ARN. Grâce à la nanotechnologie, l’ARN naturel et l’ARN synthétique peuvent être transportés vers une zone ciblée d’une plante (l’amarante de Powell dans le cas des recherches de Mme Nair) et la tuer en éliminant un gène nécessaire à sa survie.

Grâce à cette nouvelle technologie, Mme Nair est en train de mettre au point un nanoherbicide à ARN qui utilise les nanoparticules naturelles autoassemblées d’une cerise acide comme véhicule pour transporter rapidement l’ARN à l’endroit exact de l’amarante où l’ARN peut la tuer. Comme il est conçu pour s’attaquer uniquement aux mauvaises herbes ciblées, cet herbicide naturel peut être appliqué n’importe où sans affecter les cultures.

Même si ces recherches sont embryonnaires, Mme Nair pense que les producteurs accueilleront favorablement cette nouvelle option de lutte contre les mauvaises herbes, d’autant plus qu’elle agit rapidement et qu’une très petite dose suffit. Maintenant que l’ARN et les nanoparticules ont été identifiés, la prochaine étape du projet consiste à formuler le nanoherbicide à ARN et à mener des études toxicologiques. Mme Nair est en train d’évaluer les formulations pour en déterminer l’efficacité, l’aptitude au stockage et la commodité.

« Nous sommes en train de mettre au point un nouvel herbicide biodégradable susceptible de devenir une solution de lutte contre les mauvaises herbes », dit Mme Nair, qui explique que, même si le projet est presque à mi-chemin, les recherches semblent prometteuses. L’herbicide, qui devrait faire l’objet d’essais en serre et en plein champ, permettrait de cibler et de tuer de manière sélective l’amarante et d’autres mauvaises herbes courantes dans les cultures de l’Ontario.

Les avantages de la nanotechnologie comme solution de lutte contre les mauvaises herbes vont au-delà de l’élimination des mauvaises herbes dans les champs. Mme Nair étudie aussi les répercussions sur la santé du sol. « Étant donné que tout ce que nous utilisons est biodégradable, rien ne s’accumule dans le sol. L’adoption d’un nanoherbicide à ARN peut aussi s’avérer plus sûre pour les agriculteurs, car cela réduit le risque d’exposition à des produits chimiques. »

L’application de la nanotechnologie en agriculture est assez récente, et même s’il faudra du temps avant que les agriculteurs puissent adopter cette technologie révolutionnaire, Mme Nair continue d’être enthousiasmée par les progrès et les promesses de ses recherches.

ACQUÉRIR DES CONNAISSANCES SUR LA LUTTE CONTRE L’AMARANTE DE PALMER EN PRÉVISION DE SON ARRIVÉE AU CANADA

Les agriculteurs et les agronomes canadiens sont sur un pied d’alerte vis-à-vis de l’amarante de Palmer. Plante indigène du sud-ouest des États-Unis et du nord-ouest du Mexique, l’amarante de Palmer est une mauvaise herbe envahissante qui touche plusieurs cultures, croît rapidement, nuit au rendement et à la qualité des récoltes et peut rapidement développer une résistance aux herbicides.

Francine Ballantyne, étudiante à la maîtrise en malherbologie à l’Université de Guelph, explique que comme l’amarante de Palmer est une espèce dioïque (c’est-à-dire composée de plants unisexués mâles et femelles), sa capacité de pollinisation croisée augmente la vitesse à laquelle elle développe la résistance. Pour mettre les choses en perspective, l’amarante tuberculée est aussi une espèce dioïque, et sa résistance aux herbicides ne cesse d’évoluer dans les champs de l’Ontario.

En 2021, l’amarante de Palmer a été détectée – et supprimée – dans un champ du Manitoba. Depuis deux ans, Mme Ballantyne étudie la compétitivité de l’amarante de Palmer dans les cultures de canola et de soya afin de se préparer à l’arrivée éventuelle de cette plante nuisible en sol canadien. Elle espère que ses recherches aideront les agriculteurs à éradiquer cette mauvaise herbe lorsqu’ils y seront confrontés, ce qui apparaît inévitable.

« Déjà établie dans des champs du Michigan, l’amarante de Palmer ne se trouve plus qu’à 160 kilomètres de la frontière canado-américaine » souligne la chercheuse, qui explique que cette mauvaise herbe peut avoir différentes caractéristiques selon son emplacement géographique et que, comme l’amarante tuberculée, elle est résistante à plusieurs groupes d’herbicides.

Dans la serre où elle effectue ses recherches, Mme Ballantyne a testé la compétitivité de plants d’amarante de Palmer provenant de deux emplacements distincts aux États-Unis – l’Arizona et le Kansas. Elle a conduit trois essais différents, plantant les mauvaises herbes dans des pots disposés dans des rangs de canola, de soya et d’amarante à racine rouge afin de déterminer si l’une ou l’autre de ces plantes peut inhiber la croissance de l’amarante de Palmer. Des recherches sur la manière dont l’amarante de Palmer interagit avec le soya ont été menées aux États-Unis, mais on a très peu étudié l’interaction de cette mauvaise herbe avec le canola de printemps. Mme Ballantyne a pu comparer des données de recherche sur le soya avec ses propres résultats, contribuant à enrichir une banque d’information grandissante sur la façon dont l’amarante de Palmer agit sur les grandes cultures. « L’idée est de tester la résistance de cultures canadiennes courantes comme le canola et le soya à cette mauvaise herbe et de voir si nous pourrions les utiliser comme cultures de couverture pour lutter, le cas échéant, contre l’amarante de Palmer », explique la chercheuse.

Les résultats montrent une interaction évidente entre l’amarante à racine rouge et l’amarante de Palmer, témoignant de la compétitivité de ces deux mauvaises herbes. Dans les pots où le canola et l’amarante de Palmer ont été plantés ensemble, la mauvaise herbe a atteint une plus petite taille, ce qui témoigne de la capacité potentielle du canola d’éradiquer cette plante envahissante. Malheureusement, les résultats de Mme Ballantyne corroboraient les recherches menées aux États-Unis qui montrent que l’amarante de Palmer empêche la croissance du soya et en réduit le rendement. « Le soya ne possède pas l’avantage de la hauteur du canola par rapport à l’amarante de Palmer », explique-t-elle. Cette étude montre que le canola pourrait être utilisé comme culture de couverture pour lutter contre les infestations d’amarante de Palmer, mais la chercheuse rappelle que son étude a été réalisée en serre et que les résultats restent à vérifier en plein champ. Et même si des recherches ont été effectuées en plein champ afin de déterminer la capacité du canola de printemps à supprimer l’amarante de Palmer aux États-Unis, il est impossible de mener une étude semblable tant que l’amarante de Palmer n’est pas établie dans des champs au Canada.

Un deuxième projet de recherche a aussi été mené dans le but de tester l’allélopathie de l’amarante de Palmer avec le canola, le soya et l’amarante à racine rouge. L’allélopathie désigne l’effet négatif ou positif d’une substance chimique diffusée par une sorte de plante sur une autre sorte de plante. Les résultats préliminaires montrent qu’il y a effectivement une interaction entre chaque espèce.

« Il s’agit d’un domaine de recherche nouveau au Canada, et j’espère que ce projet suscitera d’autres questions sur la manière dont l’amarante de Palmer interagit avec des cultures canadiennes comme le canola », conclut Mme Ballantyne.

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