L’autonomie grâce à l’agroécologie : transformer les systèmes de production agricole du Canada

Mme Marney Isaac, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les agroécosystèmes et le développement, professeure à l’Université de Toronto et membre du Comité consultatif sur la science et l’innovation de Bioenterprise, explique pourquoi l’agroécologie, l’agrobiodiversité, les traits fonctionnels et l’agriculture urbaine sont essentiels à la sécurité alimentaire et à la durabilité.

Posted: Déc 12, 2023

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De la baie de Fundy aux sanctuaires botaniques de l’île de Kauai, Mme Marney Isaac parcourt des kilomètres pour découvrir les secrets qui assurent l’équilibre des écosystèmes les plus précieux et les plus diversifiés de notre planète. Elle consacre sa carrière à la compréhension et à la préservation de ces lieux exquis, de la vie qui s’y déploie et de celles qu’ils influencent à l’extérieur.

Parallèlement, Mme Isaac s’emploie à concilier les philosophies de la biodiversité en transférant les connaissances sur ces espaces sauvages et sur nos systèmes agricoles aménagés. Activiste, universitaire et aventurière à l’esprit créatif, elle se trouve maintenant au cœur du mouvement en faveur de l’agriculture durable et partage avec nous son point de vue unique sur l’état de la sécurité alimentaire et sur la direction dans laquelle nous allons.

Un engagement indéfectible envers l’environnement

L’histoire de Mme Isaac débute au Nouveau-Brunswick, province connue pour sa topographie et ses conditions climatiques fort contrastées. Les plus hautes marées au monde contribuent à façonner non seulement ses côtes accidentées, mais aussi ses plages de sable chaud. À l’intérieur des terres, ses rivières serpentent entre montagnes rocheuses, collines ondulantes et plaines basses, et traversent les forêts acadiennes vierges, qui regorgent d’une vie diversifiée et abondante.

Cette province est aussi indéniablement marquée par sa longue histoire en matière d’exploitation forestière et de pêche, et c’est là que Marney Isaac a été témoin pour la première fois de la dégradation des ressources naturelles qui lui sont si chères. Incapable de rester à l’écart, la jeune militante a cherché à attirer l’attention sur l’importance de ces paysages irremplaçables. C’est ainsi qu’est né son engagement vis-à-vis de l’environnement.

Désireuse de changer d’air, Mme Isaac est partie de chez elle pour poursuivre des études de premier cycle à l’Université de Guelph [en anglais seulement], attirée par son programme de sciences de l’environnement. La suite de son parcours universitaire n’a pas été simple, car elle a dû travailler en même temps pour financer ses études. Elle a occupé des emplois dans toutes sortes de domaines, de la lutte contre les incendies de forêt à l’agriculture, mais elle est toujours restée concentrée sur ses études.

Une fois diplômée, Mme Isaac est déménagée sur l’île de Kauai, à Hawaii, pour travailler en ethnobotanique au National Tropical Botanical Garden [en anglais seulement], ce qui a attisé son intérêt de toujours pour la relation entre les hommes et les plantes. Cette expérience a influencé ses études subséquentes.

De retour au Canada, Mme Isaac a fait une maîtrise à l’Université de Guelph, passant de la botanique aux aspects agricoles de l’agroforesterie. Ce changement de cap a contribué à orienter ses études, ses recherches et ses travaux ultérieurs vers un thème récurrent : la diversité dans les systèmes agricoles.

Le parcours de Mme Isaac l’a conduite à Toronto, où elle a poursuivi ses travaux en agroforesterie et obtenu son doctorat. Elle a ensuite bénéficié d’une bourse de recherche postdoctorale en France, pays connu pour ses solides programmes de développement de l’agriculture durable, avant de revenir à Toronto.

Depuis 2009, Mme Isaac demeure fidèle à son engagement envers l’environnement à titre de professeure dans plusieurs facultés de l’Université de Toronto [en anglais seulement], notamment au Département des sciences physiques et environnementales [en anglais seulement], au Département d’études du développement mondial [en anglais seulement], au Département de géographie [en anglais seulement] et à l’École de l’environnement [en anglais seulement].

Aujourd’hui, en tant que titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les agroécosystèmes et le développement, codirectrice de la Sustainable Food and Farming Futures (SF3) Cluster [en anglais seulement] et membre estimée du Comité consultatif sur la science et l’innovation de Bioenterprise [en anglais seulement], Mme Isaac est passée de jeune activiste à leader exemplaire. Elle dirige le Integrative Agroecology Lab de l’Université de Toronto, encadre des étudiants de troisième cycle et poursuit ses recherches, tout en remplissant son rôle d’orchestratrice et en établissant des liens indispensables entre divers intervenants du domaine émergent de l’agroécologie et de l’agriculture durable.

Quand l’agriculture rencontre l’écologie

En 2019, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a déclaré que l’agroécologie constituait le cadre fournissant des orientations pour réaliser la transformation vers une agriculture durable dans son document intitulé Les 10 éléments de l’agroécologie. Selon Mme Isaac, les États membres de la FAO ont approuvé ce document, et estiment que ce cadre conceptuel fixe la cible à atteindre dans la transition des systèmes agricoles vers la durabilité. Il s’agit d’un enjeu de taille.

Mais au fait, qu’est-ce que l’agroécologie et pourquoi devons-nous nous en préoccuper?

L’agroécologie est une approche holistique de l’agriculture qui tient compte des aspects écologiques, économiques et sociaux des systèmes agricoles. L’objectif est de parvenir à la durabilité en créant des systèmes alimentaires sains et biodiversifiés qui résistent aux changements climatiques en intégrant un ensemble de principes écologiques. Cette approche vise aussi à intégrer les connaissances et les cultures locales afin de promouvoir l’équité sociale et la souveraineté alimentaire.

Sans surprise, la biodiversité, la santé du sol et la gestion de l’eau figurent parmi les pratiques qui s’inscrivent dans cette approche, tout comme l’agroforesterie, le travail de conservation du sol, la diversification des cultures, la lutte contre les ravageurs naturels et les engrais biologiques, entre autres. Toutefois, cette approche englobe aussi les facteurs sociaux et économiques, tout aussi importants, qui ont un impact sur les communautés agricoles.

« L’agroécologie est une façon de concevoir l’agriculture durable comme une science des processus écologiques, explique Mme Isaac. Mais elle englobe également les déplacements et les pratiques des agriculteurs à la ferme. Ainsi, pour réussir les transitions vers des systèmes durables, nous ne pouvons pas nous contenter d’étudier les sciences naturelles. La recherche doit être effectuée dans son contexte précis. »

Ainsi, l’équipe de Mme Isaac étudie non seulement les plantes et les autres systèmes biologiques des exploitations agricoles, mais aussi le bien-être des agriculteurs et d’autres facteurs susceptibles d’influer sur l’adoption de pratiques par ces derniers, ce qui englobe toutes les pièces mobiles d’un écosystème multifonctionnel.

Le terme « agroécologie » existe depuis longtemps. Mais alors, pourquoi l’agroécologie attire-t-elle davantage l’attention ces derniers temps? « Beaucoup de travaux scientifiques ont été réalisés sans tenir compte du contexte social. Le système agricole actuel est verrouillé et engendre un cycle de coûts environnementaux, sociaux et économiques élevés, qui ne cessent de croître au fil du temps », souligne Mme Isaac.

« En bref, les pratiques mises en œuvre depuis 40 ans ont de lourdes conséquences pour nos sols et nos eaux, ainsi que pour notre climat. Ces systèmes ne résistent pas aux changements du marché et ont réduit l’autonomie des agriculteurs. Nous essayons donc de trouver des moyens de déverrouiller ces systèmes. »

Dans le cadre de leurs recherches en agroécologie, Mme Isaac et son équipe s’appuient sur un ensemble de treize principes [en anglais seulement] pour trouver les clés permettant d’ouvrir les serrures et d’éliminer les entraves. L’un de ces principes est l’agrobiodiversité.

Le bourdonnement mélodieux de la biodiversité

La diversité, essentiellement, est une question de variété : combien d’espèces différentes et combien d’individus de chaque espèce sont présents dans une zone donnée? Et la recherche nous montre qu’une grande diversité est préférable.

L’agrobiodiversité, en particulier, désigne le nombre, la variété et la variabilité des plantes, des animaux et des micro-organismes utilisés – directement ou indirectement – dans les systèmes agricoles et alimentaires. Il s’agit d’un ensemble de ressources génétiques (espèces, variétés et races) utilisées pour l’alimentation, le fourrage, les fibres, le carburant et les produits pharmaceutiques à l’intérieur d’un système. Donc, essentiellement, plus les ressources présentes sont nombreuses, plus le système est considéré comme diversifié.

Indissociable de la sécurité nutritionnelle et alimentaire, le principe de l’agrobiodiversité concerne l’adaptabilité des systèmes aux changements environnementaux et à des facteurs de stress comme les ravageurs, les maladies et les changements climatiques. La mise en œuvre de l’agrobiodiversité permettra de conserver et d’utiliser durablement les ressources génétiques disponibles dans le but de protéger et de préserver les variétés et les races traditionnelles, ainsi que les espèces sauvages apparentées aux espèces agricoles.

Pour Mme Isaac et son équipe, l’objectif est d’étudier le processus et les effets de la diversification, c’est-à-dire ce qui arrive à un système lorsqu’on remplace un intrant ou composant existant par de la diversité. Par exemple, nous pourrions poser la question de savoir si l’introduction de l’agroforesterie, ou l’ajout d’arbres, dans une ferme réduit le besoin d’utiliser des engrais pour obtenir de bonnes récoltes. L’équipe de Mme Isaac s’emploie à répondre à ce genre de question.

Jusqu’à présent, nos systèmes agricoles rigides, qui fonctionnent essentiellement comme des environnements contrôlés homogènes, n’ont pas exigé une compréhension profonde de la relation entre chaque élément vivant d’un système agricole biodiversifié. « Si nous désirons passer à une agriculture biodiversifiée, il nous faut comprendre comment les cultures agricoles élaborent des stratégies dans des environnements très hétérogènes », dit Mme Isaac.

Bien qu’un retour équilibré et holistique à des méthodes agricoles naturelles soit un gage de notre subsistance à long terme, nous avons du pain sur la planche pour atteindre cet équilibre. L’objectif des 10 éléments de l’agroécologie est de guider tous les intervenants pour les aider à relever les défis à venir.

Si nous ne savons pas à l’avance comment une culture réagira à un changement environnemental majeur, ou même mineur, c’est comme si nous conduisions un autobus rempli de passagers les yeux bandés. Bien sûr, on aimerait supposer que tout changement ou amendement « naturel » donnera un résultat positif, mais comme notre système alimentaire est au bord du précipice et que les moyens de subsistance des agriculteurs sont en jeu, nous ne pouvons pas nous permettre d’être optimistes au point d’être naïfs.

Ainsi, Mme Isaac et d’autres experts de premier plan estiment que l’agroécologie est le phare qui nous guidera pour sortir de la crise alimentaire mondiale. Et l’agrobiodiversité est un principe clé pour nous aider à y parvenir. « On peut mesurer la biodiversité, c’est-à-dire le nombre d’espèces végétales. On peut mesurer la fertilité des sols. On peut mesurer toutes ces variables différentes. Mais en réalité, c’est ce qui se trouve au centre de tout cela qui permet d’équilibrer le système », explique Mme Isaac.

En l’occurrence, il s’agit des traits ou caractères.

Garder le rythme grâce aux traits fonctionnels

Au cours des dernières décennies, les écologistes ont mis en évidence une lacune sur le plan des connaissances. Ils ont découvert que le nombre d’espèces présentes dans un écosystème diversifié n’explique pas tout à fait pourquoi et comment le système peut assurer toutes ses fonctions nécessaires, comme le cycle des éléments nutritifs ou le stockage du carbone. Si la diversité est le reflet des espèces, elle est en fait davantage liée aux traits fonctionnels spécifiques présents chez ces espèces.

Les traits fonctionnels sont les caractéristiques des plantes qui influencent leur reproduction, leur croissance et leur survie, ainsi que leurs effets sur l’ensemble de l’écosystème. Ces traits comprennent la taille des feuilles, la période de floraison, la structure racinaire, les mécanismes de dissémination des graines et la densité du bois, entre autres.

Si l’on peut penser que les feuilles et les fleurs constituent la mélodie ou la contre-mélodie d’une chanson, il s’avère qu’elles appartiennent en fait à la section rythmique. Elles sont comme la ligne de basse, qui donne le tempo et assure la cohésion du morceau. Ces traits sont importants, car ils permettent de comprendre des processus spécifiques. En les étudiant, les écologistes peuvent mieux prédire comment un écosystème réagira aux changements et aux perturbations de l’environnement.

« Ces caractéristiques morphologiques ou chimiques sont les mécanismes modérateurs de la biodiversité, explique Mme Isaac. Ils sont la clé de voûte de l’ensemble. Nous devons comprendre pleinement comment ils sous-tendent les raisons pour lesquelles, par exemple, nous pouvons trouver un sol plus sain dans un système que dans un autre. Historiquement, les caractéristiques agronomiques mesurées sont des éléments comme la taille d’une plante et le nombre de graines qu’elle produit, mais cela ne vous dit rien sur l’impact de cette plante sur son environnement. Désireux d’évoluer vers des environnements hétérogènes, nous allons ajouter de la biodiversité et perturber un système homogène. La compréhension des traits fonctionnels nous aidera à prédire les résultats. »

Allumés et branchés

Au laboratoire d’agroécologie intégrative, Mme Isaac et son équipe étudient non seulement la biodiversité ciblée et la mise en œuvre de techniques comme la rotation des cultures, mais aussi les zones des exploitations agricoles qui sont souvent négligées, comme les zones riveraines, les haies, les brise-vent et les petits boisés, afin de trouver la biodiversité qu’elles recèlent.

Son vaste programme de recherche s’articule sur l’étude de ces diverses zones et sur le rôle qu’elles jouent dans les grands paysages agricoles. « Nous voulons savoir comment la biodiversité fonctionne et comment elle se traduit en fonctions et en services. Ces fonctions et services peuvent avoir un impact sur la fertilité des sols, la disponibilité des éléments nutritifs et les changements dans les communautés microbiennes du sol. Mais ils peuvent également avoir un impact sur des éléments comme le vent et la modification du microclimat », dit-elle.

Comme ils l’ont fait dans le cadre d’un récent projet de recherche sur le terrain avec Alternative Land Use Services (ALUS), Mme Isaac et son équipe mesurent toutes les caractéristiques d’une parcelle de terre. Ce faisant, ils ont prouvé que ce n’est pas une espèce particulière de plante qui contribue à la santé des sols, mais plutôt un trait précis. En déterminant le caractère responsable de la cause et de l’effet, ils sont en mesure, par exemple, d’identifier les génotypes qui pourraient mieux fonctionner en association avec d’autres cultures dans les exploitations agricoles du Canada.

Par son travail, l’équipe cherche aussi à répondre à des préoccupations sociales telles que les obstacles rencontrés par les agriculteurs qui s’efforcent d’adopter des pratiques agricoles durables. Elle tente de répondre à des questions simples, mais importantes, comme celles-ci : « Pourquoi un agriculteur planterait-il des arbres? Et s’il le fait, quels seront les effets sur son exploitation? »

Si nous revenons à la métaphore de l’autobus, c’est comme si l’équipe retirait le bandeau qui lui cache la vue pour éviter de tomber dans le précipice en prévoyant comment l’introduction de nouvelles méthodes et de nouveaux processus se répercutera sur le reste de l’exploitation.

En s’intéressant non seulement aux détails complexes des traits fonctionnels, mais aussi au fonctionnement global d’une exploitation agricole, y compris les personnes qui y vivent et y travaillent, Mme Isaac et son équipe peuvent soutenir les agriculteurs dans leurs efforts pour adopter des méthodes agricoles durables. Si leur travail porte sur les grandes exploitations agricoles, il ne néglige pas d’autres endroits où des changements pourraient avoir un impact positif considérable.

Les fermes urbaines au service de la souveraineté alimentaire

L’équipe a récemment soumis une importante proposition de subvention axée sur l’agroécologie urbaine et périurbaine. Cette initiative permettra de créer un vaste réseau dans le Golden Horseshoe, en Ontario, en collaboration avec des organismes municipaux, des offices de protection de la nature et diverses associations de producteurs.

Ce réseau vise à établir des sites de recherche dans la région du Grand Toronto afin d’étudier l’impact de l’agriculture urbaine durable et de l’agrobiodiversité sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le projet permettra d’étudier la transformation de terrains sous-utilisés, comme les toits verts et les corridors de lignes électriques, en zones productives, ainsi que le développement de centres alimentaires régionaux.

Cette entreprise ambitieuse commencera par la quantification des terres disponibles pour ces projets. « Le premier pilier du projet consiste à inventorier toutes les terres, à se faire une idée précise de leur superficie, puis à déterminer la quantité de denrées alimentaires que nous pourrions y produire », explique Mme Isaac.

Les chiffres sont peut-être élevés, mais ils ne sont pas surprenants pour ceux qui ont suivi la couverture médiatique à propos du controversé projet de loi 23, y compris les discussions sur les terrains urbains non utilisés en Ontario. Alors, quand saurons-nous si le projet d’agriculture urbaine ira de l’avant?

Mme Isaac espère connaître l’issue de la proposition d’ici le printemps 2024. S’il est approuvé, le projet pourrait constituer un pas de géant dans la bonne direction pour Toronto. Il constituerait un exemple pour le reste du Canada dans nos efforts collectifs visant à résoudre les problèmes de sécurité alimentaire, tout en encourageant la production locale et en franchissant des pas de plus vers la souveraineté alimentaire.

Des systèmes désynchronisés

À la question de savoir ce qui pourrait entraver l’établissement d’un consensus sur la l’agrobiodiversité dans les exploitations agricoles et l’adoption de cette pratique, Mme Isaac souligne le décalage entre les efforts des services de vulgarisation agricole et les mécanismes réglementaires en place qui dictent ces services. 

« D’un côté, il y a les impératifs du marché, les gens qui décident de soutenir les fermes locales et biodiversifiées, et de l’autre, il y a la pression des organismes de réglementation, qui disent aux agriculteurs qu’ils doivent avoir un certain niveau de biodiversité et de conservation dans leurs exploitations. Donc, à mes yeux, le plus gros obstacle est lié au manque d’alignement entre ces facteurs. Le gouvernement doit soutenir les agriculteurs en leur proposant des incitatifs économiques et en leur donnant accès à la formation et aux connaissances pertinentes », plaide-t-elle.

Cet alignement et l’aide du gouvernement sont indispensables pour promouvoir les systèmes agricoles durables et biodiversifiés au Canada, qui accuse du retard par rapport aux normes européennes à l’égard de cette approche novatrice.

Signes d’un avenir prometteur

Optimiste de nature, Mme Isaac voit d’un œil positif l’état de la sécurité alimentaire au Canada. De son point de vue, qui est ancré dans le mouvement en faveur de l’agrobiodiversité, les efforts déployés en faveur de l’agriculture durable permettent à l’agroécologie de gagner du terrain, non seulement à l’échelle locale, mais aussi sur les plateformes internationales, et il y a de bonnes raisons d’être optimiste. 

Les mouvements dirigés par des agriculteurs remettent en question les structures agricoles traditionnelles et prônent la transition vers des systèmes alimentaires résilients et localisés. Cette évolution se traduit par des changements majeurs aux politiques, comme le document susmentionné, approuvé par la FAO en 2019.

En outre, le rapport de 2022 du Intergovernmental Panel on Climate Change [les deux sites sont en anglais seulement] consacre une partie entière à l’agroécologie et à l’agrobiodiversité, ce qui indique une reconnaissance grandissante de leur participation à la lutte contre les changements climatiques.

« Je vois des points positifs dans ces discussions de haut niveau sur la transition vers la durabilité grâce à l’agroécologie, ainsi que dans les transitions qui se produisent dans les exploitations agricoles », dit Mme Isaac.

Miser sur l’innovation

L’agroécologie et l’agrobiodiversité sont appelées à faire partie intégrante des paysages agricoles de demain, et Mme Isaac, qui comprend parfaitement ces philosophies, ces méthodes et ces principes, est bien placée pour contribuer à façonner l’avenir de l’agriculture en Ontario et à l’échelle du pays.

Elle prévoit qu’une demande accrue de ressources et d’informations de la part des associations locales incitera le gouvernement à soutenir les transitions agricoles nécessaires. « Nous parlons depuis très longtemps de l’agriculture sans labour et des cultures de couverture. Aujourd’hui, ces deux éléments devraient constituer les pratiques minimales d’une gestion durable des terres. Le moment est venu d’élargir la conversation. Pensons à ajouter des arbres dans les fermes, à intégrer des cultures intercalaires. Il est temps d’aller encore plus loin. »

Pour repousser les limites, il faut innover. Selon Mme Isaac, l’innovation ne se définit pas nécessairement par des gadgets technologiques. L’innovation est le processus qui consiste à générer de nouvelles idées et de nouvelles façons de penser. « Tous les agriculteurs, nouveaux ou établis, sont des innovateurs, et nombre d’entre eux souhaitent être à l’avant-garde de ces transitions. Aidons-les à faire tomber les barrières. »

Pour les agriculteurs désireux d’aller au-delà des pratiques de base, Mme Isaac suggère de prendre un risque calculé en faisant des essais sur une petite portion de leur terre. Pour obtenir du soutien, elle leur suggère de s’adresser à des associations locales ainsi qu’à l’Ecological Farmers Association of Ontario [en anglais seulement] afin d’accéder aux ressources disponibles.

Tandis que le compte rendu de notre conversation tire à sa fin, il apparaît évident que le travail de Mme Isaac ne fait que commencer. À l’avant-garde d’un mouvement qui promet de bouleverser l’agriculture canadienne, son avenir semble loin d’être reposant. Malgré tout, elle est remplie d’énergie, stimulée par la promesse d’un avenir meilleur.

À l’écoute des échos de son passé, sans jamais déroger à son engagement initial, Mme Marney Isaac effectue un travail de sensibilisation et de défense des intérêts, tout en amenant le Canada et le monde à mieux comprendre l’importance de l’agroécologie. Elle exprime clairement les besoins des agriculteurs et de l’environnement afin que tous les Canadiens aient la possibilité non seulement d’être témoins de l’approche vers l’autonomie de nos systèmes alimentaires et agricoles, mais aussi de s’engager activement dans cette révolution.

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